Enfance

groupeenfant2.jpgENFANCE

Comme en témoignent les observations de la direction des droits, de la protection de l’enfance et des groupes vulnérables (Ddpegv) rattachée au ministère de la Femme, de l’Enfance et de l’Entreprenariat féminin, de nombreuses améliorations doivent être apportées à la situation de l’enfance au Sénégal. Notamment à travers une mise en œuvre pratique de la législation relative aux droits de l’enfant au Sénégal.
Dans cette optique, il s’agit pour les fondés de pouvoir public et les partenaires au développement d’œuvrer à remédier aux phénomènes de sociétés que sont la mendicité, les pires formes de travail des enfants, l’errance et les violences sexuelles faites aux enfants. Mais aussi d’offrir un tissu économique viable et apte à permettre aux familles d’assurer une prise en charge correcte de leurs besoins. «Malgré une récente revitalisation de la lutte contre la maltraitance par quelques Ong, la stratégie nationale de protection de l’enfance contre la maltraitance souffre encore de plusieurs maux, dont l’absence d’une stratégie de communication intégrant les différentes dimensions socioculturelles, ayant une approche systémique et visant un changement de comportement durable.
Jusqu’à présent les activités visant à changer les attitudes et comportements vis-à-vis de ce phénomène se sont souvent limitées à des interventions sporadiques de plus ou moins grande importance mais le plus souvent conduites sous forme événementielle avec des impacts limités. Les résultats obtenus n’ont pas été suffisants et pas toujours en adéquation avec les attentes souhaitées pour réduire l’importance du problème et assurer une réduction significative avec une prévention durable» souligne la direction de la protection des droits de l’enfant. Non sans énumérer un certain nombre de leviers d’action pour garantir l’éducation pour tous, enrayer la mendicité et les violences (sexuelles ou autres) faites aux enfants et leur garantir une inscription aux fichiers d’Etat civil. D’autant plus que la maltraitance se décline sous forme de violence physique, d’abus sexuel, de violence psychologique et de négligence
Accès à l’éducation
Le Sénégal, qui a affirmé son engagement à garantir l’Education pour tous conformément à l’article 8 de sa Constitution, peine, jusqu’à présent, à généraliser l’accès à l’éducation sur toute l’étendue du territoire national. Ce qui se traduit dans les faits par un taux d’alphabétisation de 49,7% relevé en 2011 par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) qui classe le Sénégal à la 170ème place sur une liste qui compte 182 pays. Au-delà de la question infrastructurelle, garantir l’accès à l’éducation scolaire à toutes les couches de la société passe notamment par un renforcement des capacités des familles vulnérables, de sorte à leur permettre de placer et de maintenir leurs enfants dans le circuit scolaire. Car, comme cela est de mise dans la réalité, de nombreux enfants mettent leur force de travail au profit de leur famille, subviennent aux besoins de celle-ci, souvent au détriment de leurs études. Dans un autre registre, socioculturel, une bonne frange de la population sénégalaise est attachée au modèle d’éducation coranique traditionnel. Ce qui pose la lancinante question de la réglementation et de la modernisation des daaras qui, dans bien des cas, n’offrent pas toujours un cadre adéquat pour la scolarisation ou l’éducation des enfants.
Réglementation et modernisation des daaras
Au Sénégal, la loi n° 2004-37 du 15 décembre 2004, modifiant et complétant la loi n° 91-22 du 16 février 1991, introduit l’éducation religieuse et fixe une obligation scolaire de dix ans (de 06 à 16 ans) dans le cycle fondamental. Cependant, depuis la promulgation de cette loi, des mesures d’accompagnement allant dans le sens de l’amélioration de la qualité de l’offre éducative fournie par les daaras font défaut. Alors qu’en parallèle, la lettre de politique sectorielle du ministère de l’Education nationale – portant sur la période 2012 – 2025, préconise pourtant de «poursuivre le programme de modernisation des daara à travers les infrastructures, les équipements, les programmes d’enseignements, la formation des enseignants et la protection nutritionnelle et sanitaire des enfants talibé».
Depuis peu, l’accord cadre relatif à la réglementation des daaras rédigé à Dakar en décembre 2010 astreint ceux qui les gèrent à déposer auprès de l’autorité administrative compétente une demande d’autorisation d’ouverture assortie d’une note introductive, précisant le but éducatif et son utilité dans le cadre de l’intérêt général du pays. Sans compter les lettres de déclaration d’intention d’ouverture adressées aux autorités locales, une note fixant les conditions de recrutement des élèves précisant les effectifs attendus et le régime des études (internat – externat – demi-pension), e personnel prévu, une note indiquant les programmes et horaires prévus ; en sus du règlement intérieur de l’établissement. Tant d’exigences qui ne sont pas respectées et qui laissent en suspens la question de la réglementation des daaras qui est un corolaire à l’impératif d’enrayer la pratique abusive de la mendicité au Sénégal.
Mendicité
Concernant la situation de l’enfance au Sénégal, la question la plus lancinante et sur laquelle l’administration dispose du plus d’informations est celle relative à la mendicité. Elle concerne notamment les talibés issus des daaras, les enfants de la rue qui mendient pour survivre, les enfants qui accompagnent leurs parents mendiants ou des enfants qui accompagnent des aveugles et les handicapés et les familles de mendiants. Selon la direction des droits, de la protection de l’enfance et des groupes vulnérables, les services ministériels en charge de cette question avaient d’ailleurs recensé en 2007 un total de 7800 enfants mendiants dans la région de Dakar. Ce qui s’explique, entre autres, par la démission des parents qui préfèrent confier leurs enfants aux maîtres coraniques plutôt que de les prendre eux-mêmes en charge.
Certains maitres coraniques aussi n’ayant pas les moyens de prendre en charge ces enfants là les envoient mendier. En outre, cela s’explique par le mode d’organisation et de fonctionnement des Daaras. Car à l’heure actuelle, n’importe qui peut se permettre d’ouvrir un daara sans pour autant être contrôlé. «Tant que cet aspect n’est pas réglementé, on verra toujours des daaras qui n’offrent pas un cadre adéquat pour la scolarisation ou l’éducation des enfants. Ces problèmes combinés font que la question de la mendicité des enfants va encore perdurer» confie un technicien de la direction de la protection des droits de l’enfant.
Travail des enfants
Au Sénégal, un enfant est généralement considéré comme toute personne âgée de moins de 18 ans par la législation. Cette même législation fixe l’âge minimum légal de travail à 15 ans révolus avec, cependant, une dérogation pouvant être accordée, par l’autorité compétente, pour les enfants de 12 ans révolus, à condition que «les travaux exercés dans le cadre familial » soient de type léger et «ne portent pas atteinte à la santé, à la moralité et au déroulement normal de la scolarité de l’enfant». De même l’exercice de travaux dangereux y est réglementé, la législation n’acceptant pas que des enfants de moins de 18 ans soient astreints à un travail dangereux sauf par dérogation accordée par l’autorité compétente (le Ministre chargé du Travail, en l’occurrence). En dépit de cette réglementation, les enfants, de tout âge, exercent des activités au Sénégal dont une bonne partie peut être considérée comme dommageable, en ce sens qu’il peut affecter d’une manière ou d’une autre leur épanouissement physique ou intellectuel. «Le travail des enfants, un phénomène qui revêt des formes très diverses, est encore mal maîtrisé. Les facteurs qui sont à l’origine de ce phénomène sont nombreux et multiples ; la pauvreté semble être une des causes majeures. Malgré les efforts consentis par l’Etat du Sénégal et ses partenaires au Développement pour la réduction de la pauvreté, plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Ainsi, on note une prépondérance du travail des enfants, ceux-ci sont amenés à s’adonner à diverses activités pour subvenir à leurs besoins ou venir en aide à leurs parents.
Cette situation a un impact notable sur les droits fondamentaux des enfants à savoir, éducation, formation, santé, ainsi que leur développement psychoaffectif, moral et physique. Toutefois, il faut noter que le travail des enfants est une forme de socialisation. Les autorités ne sont pas restées indifférentes à cette situation, elles ont ratifié les principales conventions internationales et mis en place un arsenal juridique protégeant les enfants » comme en témoigne l’enquête nationale sur le travail des enfants (Entes) diligentée en 2005, suite à un partenariat entre l’Agence Nationale de la Statistique, et de la Démographie (Ansd), le Ministère du Travail, de la Fonction Publique et des Organisations Patronales, le Bureau International du Travail (BIT/Genève) et le Programme International pour l’abolition du travail des enfants. Aujourd’hui la tendance actuelle est que beaucoup d’enfants sont impliqués dans le processus de prise en charge des besoins de la famille. D’un point de vue technique on peut blâmer cela. Mais socialement, culturellement ou moralement il sera très difficile de le blâmer car l’Etat n’a pas créé les conditions permettraient à toutes les familles de pouvoir se passer de la force de travail de leurs enfants.
Exploitation et violences et sexuelles, mariages précoces, excision
La question des viols et des abus sexuels auxquels les enfants sont confrontés font légion, et sont régulièrement relatés dans les médias sénégalais. Malgré l’absence de statistiques officielles sur cette question, de fortes présomptions portent à croire que les enfants qui en sont victimes sont légion. D’autant plus qu’à côté des ca relayés dans la presse, il ya des cas qui sont paradoxalement passés sous silence, et ne sont pas dénoncés. Ce qui fait qu’on est loin de savoir avec exactitude le nombre d’enfants victimes de viols ou d’abus sexuels au Sénégal. Annexés à cette question, les cas de mariages précoces sont aussi notés çà et là, mais les techniciens bien au fait de cette question pointent du doigt l’absence de mesures répressives pour y remédier. «On se rend compte qu’il y a des jeunes filles que l’on donne en mariage à l’âge de 14 ans 13 ans. C’est des enfants, et là aussi n’Etat ne fait rien pour sanctionner tant qu’il n’y a pas de dénonciations émanant par exemple des organisations qui militent pour le respect des droits des femmes ou des organisations qui travaillent dans le domaine de la scolarisation…Souvent ces cas là ne sont pas connus mais des familles ont tout le temps célébré des mariages d’enfants sans pour autant considérer que c’est en porte à faux avec ce que disent et les lois et la convention internationale des droits de l’enfant», comme en témoigne Massamba Diouf, un sociologue affilié à la direction des droits, de la protection de l’enfance et des groupes vulnérables.
En outre, la pratique de l’excision, si elle est de moins en moins récurrente, subsiste dans certaines zones du pays qui y sont attachées pour des raisons socioculturelles. Les approches de plaidoyer menées pour y remédier ne trouvent pas nécessairement un écho favorable auprès de groupes communautaires attachés à cette « tradition ». Le rapport préparé en 2008 pour la contribution du Sénégal à la réunion de Rio a indiqué que le phénomène de la violence et de l’exploitation sexuelle des enfants au Sénégal se manifeste à tout âge et inclue les cas de viols (mineures violées par leur père adoptif (baayu jitle), mineur(e)s violé(e)s par d’autres mineurs (enfants de la rue, au sein des familles, marginaux, camarades de classe etc.) et les cas de mineurs abusés par des adultes dans les milieux marginaux (écoles coraniques), les familles (filles domestiques), ou dans leurs lieux de vie (écoles, marchés). Les formes commerciales se présentent sous forme de prostitution des mineurs comme le racolage des adultes au niveau des milieux touristiques (plages, hôtels, night-club) avec parfois l’implication de proxénètes et de rabatteurs et parfois avec la complicité des familles.
Maltraitance psychologique
A la direction en charge de la protection des droits de l’enfant, de nombreux termes sont utilisés pour caractériser la maltraitance psychologique. Il peut s’agir de violence verbale, de maltraitance affective, de violence psychologique, cruauté mentale, violence invisible. Ces maltraitances, plus difficiles à mettre en évidence que les violences physiques et les sévices corporels, peuvent cependant avoir un grave retentissement sur le développement psychoaffectif de l’enfant. Par ailleurs, «la négligence peut porter sur la carence de produits ou de services susceptibles de satisfaire les besoins vitaux de l’enfant et qui nuisent gravement à son développement physique et psychologique ou à sa sécurité. Cette carence peut être une alimentation suffisante, des soins médicaux et d’hygiène non satisfaits. Au Sénégal on connait peu l’ampleur réelle mais on rapporte régulièrement les négligences faites aux enfants confiés aux marabouts (talibés), aux petites filles domestiques et aux enfants privés de soins parentaux» ajoute la direction en charge de la protection des droits de l’enfant.
Cadre législatif
Signataire d’un bon nombre de traités et conventions internationales relatifs au respect des droits des enfants, le Sénégal peine à mettre en œuvre une application pleine et entière des textes en matières de protection des enfants. Le Lundi 2 juin dernier, en marge d’une journée d’information sur les pratiques sociales et culturelles néfastes affectant les enfants organisée au siège de l’Unesco à Dakar, Mme Diakhaté, juge à l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (Uemoa) et ancienne procureur de la République fustigeait le fait que le Sénégal, en l’état actuel des choses, n’applique pas entièrement les Conventions internationales relatives à la protection des droits de l’enfant. Notamment en ce qui concerne la répression des nombreux cas de violations des droits des enfants liés, entre autres, aux châtiments corporels, à la mendicité des enfants, au mariage précoce ou encore au travail des enfants.